Énergies marines : Le défi juridique du XXIe siècle pour nos océans

Face à l’urgence climatique, les énergies marines émergent comme une solution prometteuse. Pourtant, leur développement soulève de nombreuses questions juridiques complexes. Plongée dans les méandres réglementaires de cette nouvelle frontière énergétique.

Le cadre juridique actuel des énergies marines

Le droit maritime international constitue le socle sur lequel repose l’encadrement des énergies marines. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) de 1982 définit les droits et responsabilités des États dans l’utilisation des océans. Elle établit notamment le concept de Zone Économique Exclusive (ZEE), s’étendant jusqu’à 200 milles marins des côtes, où les États côtiers ont des droits souverains pour l’exploitation des ressources naturelles, y compris énergétiques.

Au niveau européen, la Directive 2014/89/UE établissant un cadre pour la planification de l’espace maritime encourage les États membres à développer des plans d’aménagement de leurs espaces maritimes, intégrant les projets d’énergies marines. En France, la loi n° 2016-1087 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a renforcé le cadre juridique national, en introduisant notamment le concept de planification stratégique pour les énergies marines renouvelables.

Les défis juridiques spécifiques aux différentes technologies

Chaque technologie d’énergie marine présente ses propres défis juridiques. L’éolien offshore, le plus mature, soulève des questions de conflits d’usage avec d’autres activités maritimes comme la pêche ou le transport. La loi n° 2018-727 pour un État au service d’une société de confiance a simplifié les procédures d’autorisation pour ces projets, mais des contentieux persistent.

L’énergie hydrolienne, exploitant les courants marins, pose des problèmes de sécurité maritime et d’impact sur la faune marine. Le Code de l’environnement exige des études d’impact approfondies, mais la jurisprudence reste à construire sur ces technologies émergentes.

L’énergie thermique des mers et l’énergie osmotique, encore au stade expérimental, soulèvent des questions de propriété intellectuelle et de partage des bénéfices avec les pays en développement, notamment dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique.

La protection de l’environnement marin : un enjeu juridique majeur

La protection de l’environnement marin est au cœur des préoccupations juridiques. La Directive-cadre Stratégie pour le milieu marin (2008/56/CE) impose aux États membres de l’UE d’atteindre ou de maintenir un bon état écologique du milieu marin d’ici 2020. Cette directive a été transposée en droit français par la loi n° 2010-788 portant engagement national pour l’environnement.

Le principe de précaution, inscrit dans la Charte de l’environnement de 2004, s’applique pleinement aux projets d’énergies marines. Les tribunaux administratifs français ont déjà eu l’occasion de l’invoquer pour suspendre des projets insuffisamment étudiés sur le plan environnemental.

La question de la responsabilité en cas de dommages environnementaux reste un sujet de débat juridique. La Directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale pose le principe du pollueur-payeur, mais son application aux énergies marines soulève encore des interrogations.

Les enjeux de gouvernance et de coopération internationale

Le développement des énergies marines nécessite une coopération internationale accrue. La Commission OSPAR pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est a adopté en 2021 des lignes directrices pour l’évaluation des impacts environnementaux des énergies renouvelables offshore.

Au niveau de l’Union européenne, la Stratégie pour les énergies renouvelables en mer adoptée en 2020 vise à multiplier par cinq la capacité installée d’ici 2030. Elle s’accompagne d’un appel à renforcer la coopération régionale et à harmoniser les cadres réglementaires nationaux.

La question de la gouvernance des eaux internationales reste un défi majeur. Les négociations en cours sur un traité sur la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (BBNJ) pourraient avoir des implications importantes pour le futur développement des énergies marines en haute mer.

Vers un droit des énergies marines ?

Face à la multiplicité des enjeux, certains juristes plaident pour l’émergence d’un véritable droit des énergies marines. Cette branche spécialisée du droit maritime et de l’énergie permettrait de mieux prendre en compte les spécificités de ces technologies et de leur environnement.

En France, la création en 2020 du Conseil national de la mer et des littoraux (CNML) marque une étape vers une meilleure coordination des politiques maritimes, y compris pour les énergies marines. La loi n° 2021-1104 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a renforcé les objectifs de développement des énergies renouvelables en mer.

Au niveau international, l’Organisation Maritime Internationale (OMI) pourrait jouer un rôle accru dans l’élaboration de normes techniques et de sécurité spécifiques aux installations d’énergies marines.

L’encadrement juridique des énergies marines se trouve à la croisée du droit maritime, du droit de l’environnement et du droit de l’énergie. Son évolution rapide reflète les enjeux cruciaux de la transition énergétique et de la protection des océans. Les années à venir seront décisives pour établir un cadre réglementaire équilibré, capable de soutenir l’innovation tout en préservant les écosystèmes marins.